Page:Normand - Le Laurier sanglant, 1916.djvu/60

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Mais, malgré leur adresse et leur rare courage,
L’ennemi l’emportait par ses nombreux canons.

Quant à nous, sans abri, cachés, nous nous tenons
Dans nos cantonnements, derrière une muraille.
Autour de nous s’abat l’ouragan de mitraille :
Les murs sautent ; le sol, puissamment remué,
S’ébranle ; notre enclos entier est labouré.
C’est un concert lugubre impossible à décrire :
C’est le craquement sec du fer qui se déchire,
Puis le gémissement triste, plaintif et lent,
De l’éclat projeté, qui fend l’air en sifflant.
Parmi nous tous, enfants de vingt ans, nul ne bouge,
Nul n’a peur… Et pourtant, hélas ! la neige rouge
Marque plus d’un endroit où la mort a passé ;
Il faut entre ses bras porter plus d’un blessé…
Moments affreux ! Encor, si c’était la bataille,
La lutte corps à corps, où le fusil travaille,
Où l’on rend coup pour coup, où l’on venge un ami !
Mais non : il faut mourir sans vengeance aujourd’hui.