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Retour à Paris, en wagon, entre Cannes et Marseille, 4 janvier.


Sous un ciel d’un gris sec, dans le vent, dans le bruit,
Sifflant et haletant, le rapide s’enfuit,
Gigantesque reptile à l’ondulante queue.

Tantôt des terrains bruns et tantôt la mer bleue
Qui brise sur les rocs son flot précipité.
Un mistral déchaîné, nous prenant de côté,
Met son affolement tout le long de la route.
Comme des bataillons de soldats en déroute,
Les arbres tourmentés s’inclinent vers le sol ;
Parfois, sur un talus, quelque pin parasol
Agite le remous de ses frondaisons vertes ;
De noirs oiseaux de proie aux ailes entr’ouvertes,
Immobiles, semblent lutter, puis brusquement
Sont emportés d’un coup dans leur prompt tournoiement ;
Aux parois du wagon que l’orage secoue,
Pareils à des soufflets labourant une joue,
Des coups de vent haineux claquent avec fureur ;
Un souffle de désordre et de vague terreur
Passe lugubrement sur la nature entière…

Et rêveuse, suivant des yeux par la portière
Ce spectacle changeant des choses en émoi,
Je sens naître un repos délicieux en moi.