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pût commettre dans la manière de traiter les sciences d’observations et l’histoire naturelle en particulier ; erreur qu’on avait généralement abandonnée, depuis Bacon, au grand avantage de ces sciences, et dans laquelle on ne pouvait retomber, qu’en arrêtant leurs progrès ; erreur que le grand homme a signalée dans tous ses écrits, et contre laquelle il n’a cessé de prémunir la jeunesse dans ses lumineux enseignemens ; erreur, enfin, qui pouvait jeter les naturalistes dans des divagations sans but et sans issue.

Quel avantage, en effet, la science aurait-elle pu tirer à chercher, par exemple, dans la tête, une représentation de la totalité du corps, d’après l’opinion si singulière et conforme aux principes de la métaphysique idéaliste et panthéistique, dite philosophie de la nature, que chaque partie, chaque partie de partie, doit toujours représenter le tout ? A-t-on avancé l’histoire naturelle le moins du monde, lorsque, se laissant entraîner à son imagination, on a vu dans le crâne, pris séparément, la tête de la tête ; dans le nez, le thorax ou la poitrine de la tête ; dans les mâchoires, des bras et des jambes.[1]

M. Cuvier connaissait les limites de cette partie philosophique de l’histoire naturelle, au-delà desquelles on tombe dans le vague des régions de la métaphysique. Sa profonde sagesse n’a jamais dépassé ces limites dans les nombreux rapports que son génie lui a fait découvrir chaque fois qu’il a dirigé son attention sur quelque point de la science qui en recélait de réels.

Nous voyons, par exemple, dans l’analyse des tra-


  1. Recherches sur les ossemens fossiles, tom. V, part. 2, p. 3, 4, 5.