Page:Notice historique sur les ouvrages et la vie de Cuvier.djvu/99

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a-t-elle été jamais peinte sous des couleurs plus vraies que dans ces admirables pages !

Si la supériorité intellectuelle de M. Cuvier, secondée par les circonstances les plus favorables de l’époque où il a vécu, a mis sa carrière scientifique à l’abri des revers qui n’épargnent pas toujours celui veut y persister malgré des obstacles en tout genre ; si ce grand homme a joui d’un bonheur inaltérable comme auteur, en ne recueillant de toutes parts, pour ses immortels travaux, que de justes éloges, que les suffrages unanimes de ses contemporains ; sa vie domestique, qui devait être, par le choix qu’il avait fait d’une épouse accomplie, la source de ses plus douces, de ses plus pures jouissances, n’a pu s’écouler dans ce bonheur sans mélange ; elle n’a pu être exempte des vicissitudes inséparables de la faible humanité.

M. Cuvier, dans le choix qu’il fit d’une épouse (r), montra qu’il n’y avait pas moins de pénétration dans les sympathies de son cœur, que de sagacité dans ses jugemens. Il avait uni son sort, vers la fin de 1803, à la veuve de M. Duvaucel, fermier général, mort sur l’échafaud en 1794[1]. Elle avait pour toute richesse, elle pouvait montrer, comme Cornélie, pour tout ornement, ses quatre enfans ; mais, durant une union de près de trente années, les nobles qualités de son esprit et de son cœur ont fait tout à la fois l’orgueil et la félicité de son époux.

Madame Cuvier a été pour lui comme une Providence visible, qu’on me permette cette expression, dont les soins de tous les instans avaient constamment pour


  1. Ce fut le 8 Mai 1794 que vingt-huit fermiers généraux, y compris Lavoisier, périrent sur l’échafaud.