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Page:Nouvelle revue germanique, tome 14, 1833.djvu/357

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DES FRAGMENS DE NOVALIS.

frappans, et porte une expression hyperbolique : il nous apparaît par fragmens. Mais le monde réel ne se montre que comme un grand tout. Ainsi celui-là est plus poétique, plus spirituel, plus intéressant, plus artistique ; mais aussi plus dénué de vérité, de philosophie et de morale.


La plupart des hommes, y compris la plupart des savans, n’envisagent le monde réel que par fragmens, et le font ainsi souffrir des mêmes défauts que le monde des livres, mais lui donnent aussi les mêmes avantages.


Tout ce qu’un savant dit, fait, souffre, écoute, doit être quelque chose de technique, de scientifique, ou s’en rapprocher beaucoup. Il parle par épigrammes ; il agit en acteur ; il compose un dialogue ; il explique la science : il raconte des anecdotes, des histoires, des romans, des nouvelles ; tantôt il sent en musicien, tantôt en poète ou en artiste. Sa vie est un roman, et comme il voit et entend tout, il doit aussi tout lire. Bref, le véritable savant est l’homme formé d’une manière complète, qui donne à tout ce qu’il met en œuvre une forme savante et idéale.


Plus un homme a l’esprit confus, plus il a des raisons de croire que, par une grande application d’études, il pourra faire quelque chose de remarquable, tandis que les têtes si bien coordonnées doivent aspirer à devenir savantes. L’homme qui a l’esprit confus trouve au commencement de grands obstacles à surmonter : il apprend avec peine à travailler ; mais alors il devient maître. Le cerveau bien organisé va vite, mais s’arrête vite : il atteint promptement le second degré ; mais aussi d’habitude il y demeure. Les derniers pas lui sont trop difficiles, et on ne le voit guère, du degré auquel il est parvenu, se remettre, en cas de besoin, aux travaux d’un commençant. La confusion d’esprit indique la sur-