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DES FRAGMENS DE NOVALIS.

drait trouver un élixir de vie ; la politique rêve une paix éternelle et une organisation d’État libre et achevée. Chaque expérience, ainsi renouvelée et trompée, forme un chapitre de plus dans les enseignemens de l’avenir. Nous cherchons toujours l’infini, et nous ne trouvons que le fini.


Ce n’est pas la science seule qui nous rend heureux ; c’est la nature et la propriété subjective de la science. Une science complète est une persuasion ; et c’est celle-là qui nous réjouit et devient vraiment pour nous une science vivante.


Qu’est-ce que le mysticisme ? Que doit-on traiter avec le mysticisme ? La religion, l’amour, la nature, l’État. Si les hommes n’étaient qu’une réunion d’amans, il n’y aurait plus de différence entre le mysticisme et le non-mysticisme.


L’esprit de la poésie est la lumière du matin, qui fait résonner la statue de Memnon.


Le sentiment de la poésie a beaucoup de rapport avec le sentiment du mysticisme ; car il s’attache à ce qui est personnel, inconnu, mystérieux : il représente ce qui n’était pas représenté ; il voit l’invisible ; il sent ce qui ne se sent pas. La critique de la poésie est une chimère ; car il est déjà difficile de décider si ce dont elle s’occupe est ou n’est pas de la poésie. Le poète montre à la fois le subjectif et l’objectif, l’âme et le monde. De là le prolongement sans fin d’un bon poème et son éternité. Le sentiment de la poésie est allié à celui de prophétie et de religion, et il touche à la folie. Le poète coordonne ses matériaux, les trouve, les rapproche, les choisit, et c’est pour lui-même une chose incompréhensible qu’il le fasse de cette manière plutôt que d’une autre.


Il y a en nous un sentiment spécial de la poésie. La poésie est quelque chose de personnel et d’inconcevable ; on ne peut