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nouvelles soirées canadiennes

renverser tout à fait, mais dont l’œuvre de destruction se poursuit sans cesse et finira par triompher de leur force et de leur stabilité. Quand on songe à tant de splendeur anéantie, on ne peut s’empêcher de s’écrier, comme Massillon en présence du cercueil du grand roi : « Dieu seul est grand ! » Oui, Dieu seul est grand, et il y a plus de force et de durée dans la moindre de ses œuvres que dans toutes les œuvres humaines réunies. Cette plante frêle et délicate qui pousse sur les ruines de quelque amphithéâtre aux proportions colossales, elle existait, au moins en germe, dans les plantes de même espèce qui couvraient le sol au temps de la prospérité romaine. L’amphithéâtre s’est écroulé et la plante est toujours jeune. Ce principe de vie, ce souffle de Dieu, qui était porté sur les eaux au commencement, et qui vivifia le chaos, n’a pas cessé de flotter sur le monde ; il se transmet sans diminution, sans changement, sans interruption dans toutes les choses que Dieu a faites, mais les œuvres de l’homme ne durent qu’un jour, et c’est en vain qu’il cherche à leur donner la force qui brave les siècles, toutes portent en elles-mêmes un élément de faiblesse et de décadence, cause de leur ruine.

L’aspect de cette vaste plaine n’est pourtant pas aussi désolé qu’on pourrait se le figurer. Il y règne un certain mouvement, une vie à part qui lui donnent un cachet unique au monde.