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à travers les ronces

jamais l’automne. Je le sens à la surabondance de vie qui m’accable.

Chez les heureux, cela s’épanouit en mille songes charmants, en mille rêves de bonheur et d’amour ; mais pour d’autres c’est différent : tout reste au dedans ou se répand en flots de tristesses et de larmes.

16 mai. — Sans doute, on ne doit pas souhaiter une jeunesse toujours joyeuse, pas plus qu’un printemps toujours serein.

Que deviendrions-nous, mon Dieu, si les jours de pluie ne se mêlaient aux jours de soleil ? et dans un ordre supérieur, combien encore plus à plaindre nous serions peut-être si les pleurs ne se mêlaient à nos joies ?

Ah ! je comprends cela, je comprends que la douleur est nécessaire pour féconder la vie. Mais la joie l’est-elle moins ? À qui servirait la pluie sans les chauds rayons du soleil ? et que peut-on espérer d’une vie toute de tristesse ?

Je pense à cela souvent, trop souvent même. À quoi bon ! Ne faut-il pas me résigner à voir tout languir, tout dépérir dans mon âme ?

Dans l’ordre spirituel comme dans l’ordre naturel, n’y a-t-il pas une atmosphère où rien ne vit, où toute flamme s’éteint ?