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à travers les ronces

ment les pensées qui m’occupaient alors. Alors et maintenant. Deux mots bien différents parfois.

Mais que le souvenir est puissant ! et quelle tristesse m’a laissée la route de J… ! Belle route pourtant ! si sauvage et si charmante !

Quand j’y passai le jour de mon mariage, je me souviens que j’en fus ravie. Alors je croyais aller à la paix, à la vie, à l’amour.

Les illusions sont mortes, mais le charme de ce voyage peut-il s’oublier ? Oh, que tout me semblait beau ! que je lui étais reconnaissante de ses tendres paroles, de sa vive gaieté, de ses aimables soins ! Comme il me semblait que j’allais l’aimer ! Par moments, je ne sais quoi d’ardent éclatait dans mon cœur : Ô mer, ô soleil, ô rose, aurais-je volontiers chanté.

En repassant là hier, cachée dans le fond de ma voiture, j’ai pleuré. Mon Dieu, adoucissez mes regrets. Faites-moi comprendre que vous n’avez pas fait pour la terre, le ravissement d’admirer et d’aimer.


22 août. – Quoi ! ne saurait-on accepter la vie telle qu’elle est. Ne saurait-on s’aider de sa raison ni de sa foi. La foi. Mon Dieu ! elle est bien peu de chose, quand elle ne pénètre pas la vie même. Voilà la plus belle partie de ma jeunesse écoulée – oui, écoulée à jamais. – Qu’en ai-je fait ? Cette