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nouvelles soirées canadiennes

forte et généreuse sève du printemps, à quoi m’a-t-elle servi ? Sinon à nourrir ce qui est déjà mort ou ce qui devrait l’être.


25 août. – Je pense à cela souvent, sérieusement, et je voudrais un peu de courage ! On n’appauvrit pas un arbre en arrachant ses feuilles flétries, ni en retranchant ses branches inutiles. Au contraire, ceux qui cultivent les plantes savent comme on les affaiblit en laissant la sève se consumer inutilement. Et ceux qui cultivent les âmes, que ne savent-ils pas ? Qui peut dire jusqu’à quel point on se débilite dans les vains espoirs et dans les vains regrets ?


4 septembre. – Oh ! que de peines, que de fautes on s’épargnerait si l’on restait toujours dans le vrai, si l’on voulait comprendre qu’on n’est pas sur la terre pour être heureux.

Mais cette vérité est dure à entendre et la raison n’y sert pas à grand chose.

Non, ce n’est pas avec des raisonnements qu’on calmera jamais l’impétueuse, la brûlante passion du bonheur. Autant vaudrait essayer d’éteindre un volcan avec des morceaux de glace ou d’arrêter un torrent avec quelques branches.

Mais si la raison (la mienne du moins) est impuissante, la foi peut tout. C’est elle qui répétant sans cesse que la vie n’est pas la vie m’a sauvée de la tristesse désespérée.