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Page:Nouvelles soirées canadiennes, juil & août 1883.djvu/71

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à travers les ronces

Chose étrange peut-être, toutes mes peines ensemble ne m’ont pas dégoûtée de la vie comme ce que je pourrais appeler mes joies. Pauvres joies ! pauvres fleurs si attendues, si cultivées, mais restées si faibles, si chétives et qui n’ont déjà plus ni éclat, ni parfum. N’en est-il pas de certaines existences comme de ces sols stériles où rien ne croîtra jamais ?


5 septembre. – On peut toujours ce qu’on doit. Donc, je puis me résigner.

D’ailleurs, tout charme s’efface bientôt, paraît-il. Entre fleurs avortées et fleurs flétries, la différence est-elle si grande ?


6 septembre. – Il est des dégoûts salutaires – des dégoûts qui élèvent l’âme plus que tous les enchantements, que toutes les ivresses. Je le sais, mais je ne sais pas supporter cette misère qui s’engendre de l’absence de tout sentiment vif : misère très réelle et profonde, et qui va croissant. L’habitude qui peut tant de choses ne peut rien en cela.

Si désillusionnée que l’on soit, le besoin d’aimer reste le même au fond du cœur. L’amertume de la tristesse le prouve, comme l’âcreté de la fumée prouve la présence du feu.


15 septembre. – Grand vent depuis deux jours.