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FRAGMENTS

sens le plus strict. Les philosophes de la première classe considèrent avec dédain ceux de la seconde. Ils disent qu’en elle il y a de tout un peu et partant rien ; ses vues lui semblent des suites de la faiblesse, de l’inconséquence. De son côté, la seconde classe a pitié de la première et lui reproche ses rêveries absurdes jusqu’à la folie. Si d’un côté les scolastiques et les alchimistes semblent absolument divisés et les éclectiques unis, de l’autre côté c’est tout juste le contraire. Les premiers sont, en effet, indirectement d’accord, — à savoir sur l’absolue indépendance et la tendance infinie de la méditation. Ils partent tous deux de l’absolu. Tandis que les seconds sont essentiellement divisés et ne s’accordent que sur certaines conséquences. Les uns sont infinis mais uniformes. Ceux-ci finis, mais multiformes. Ceux-là ont le génie, ceux-ci le talent. Ceux-là l’idée, ceux-ci le savoir-faire. Ceux-là sont des têtes sans mains, ceux-ci des mains sans têtes. L’artiste qui est à la fois instrument et génie, gravit le troisième degré. Il trouve que cette séparation originelle des activités philosophiques absolues est une séparation plus profonde de son être dont l’existence dépend de la possibilité de son adaptation, de sa réunion ; il trouve que quelqu’hétérogènes que soient ces activités, il a cependant en lui la faculté d’aller de l'une à l’autre et de changer comme il le veut sa polarité. Il découvre ainsi qu’elles sont des parties nécessaires de son esprit, et remarque que toutes deux doivent être unies en un principe commun. Il en conclut que l’éclectisme n’est que