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Page:Novicow - La Critique du darwinisme social.pdf/203

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sortir de la barbarie. Comme la nature fondamentale de l’homme ne change pas, on en conclut que, si la guerre a été un bienfait dans le passé, elle l’est encore dans le présent et le sera encore dans l’avenir. À la vérité, quelques darwiniens affirment que la guerre, à un certain moment, cesse d’être utile, mais comme il est impossible de déterminer quand arrive ce moment, on en conclut qu’il n’est pas encore arrivé et que l’homicide collectif produit encore le progrès de nos jours comme, à ce que l’on prétend, il l’aurait produit dans le passé.

La description d’un état social extrêmement éloigné, sur lequel nous n’avons aucune donnée certaine, prend, naturellement, l’aspect d’un pur roman où l’esprit crée de toutes pièces un tableau imaginaire, rejeté dans le passé, comme Bellamy, dans son Looking backward, crée un tableau imaginaire projeté dans l’avenir. J’appelle ces tableaux des romans anthropologiques, précisément parce que ce sont les anthropologues qui les ont le plus mis à la mode dans ces derniers temps.

Le lecteur comprend bien que je n’ai pas la moindre intention de critiquer les romans anthropologiques par sentimentalisme à la Rousseau. Je n’affirme nullement que l’homme était bon en sortant des mains de la Nature, comme le soutient le philosophe de Genève. Sa conception, d’ailleurs, procède en ligne droite de la fable du paradis terrestre. La Nature de Rousseau est un autre nom pour désigner la Providence, un nom seulement moins entaché de catholicisme. À l’égal de la Providence chrétienne, la Nature de Rousseau est une divinité consciente et bienfaisante dont l’objectif unique est le bonheur de la créature. C’est l’homme qui, en lui désobéissant, c’est-à-dire en cessant de vivre uniquement dans son sein, en se civilisant en un mot, s’est rebellé contre elle, ce qui a amené la misère, la maladie et le malheur. Tout cela ressemble, trait pour trait, à la chute d’Adam désobéissant aux commandements de Jahwe.