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On pense bien que ce n’est pas à ce point de vue d’idyllisme enfantin que je veux me placer pour combattre les romans anthropologiques des darwiniens. Je repousse complètement ces puérilités dictées par la sensibilité à la mode au xviiie siècle. Mon point de vue sera tout différent. Il sera uniquement réaliste, biologique et zoologique ; il sera fondé sur la seule analyse des faits.

Commençons par examiner le tableau cité à la page précédente. Dès qu’on en prend connaissance, on voit immédiatement que l’on nage en pleine fantaisie. C’est du Zola anthropologique, si l’on peut s’exprimer ainsi ; c’est du romantisme à rebours, c’est empreint de la tendance systématique de rendre le tableau aussi noir que l’imagination peut se le figurer. Cette tendance systématique fausse, naturellement, la description. On voit que l’homme est délibérément ravalé au-dessous de l’animal. Les animaux supérieurs ont de la prévision, de la prévoyance, ils connaissent le travail, ils vivent en société, ils ont une morale. Mais il paraît que l’homme primitif ne pouvait rien avoir de tout cela. Pourquoi ? Dans tous les cas, l’homme primitif, étant un animal, ne devait pas manquer de ce qu’avaient les autres animaux. Si primitif que fût l’homme, il était certainement un animal de beaucoup supérieur au castor au point de vue biologique. Alors, pourquoi l’homme devait-il avoir, nécessairement, moins que les castors ? Les darwiniens ne nous expliquent pas ce mystère. Mais, par cela même, ils nous font comprendre que leurs tableaux, fort noirs, viennent seulement des tendances pessimistes si à la mode à notre époque. Sans ces tendances subjectives, ils auraient tracé un tableau différent.

Arrivons maintenant à l’affirmation des darwiniens au sujet du cannibalisme universel dans l’humanité primitive. Est-il une réalité ? Est-il vraisemblable ? Il suffit de réfléchir un peu pour comprendre qu’il faut répondre par la négative. Les hommes ne se sont pas mangés