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Page:Novicow - La Critique du darwinisme social.pdf/208

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de savoir si les abeilles sont bonnes ou méchantes. La seule chose réelle est celle-ci : lorsque les abeilles font leur devoir et accomplissent leurs fonctions d’une façon régulière, la ruche prospère et dure. Quand elles n’accomplissent pas leurs fonctions, la ruche périt.

Ce qui est vrai des abeilles l’est aussi de toutes les autres collectivités, y compris les nôtres. Dans le troupeau primordial dont est sorti le genre humain, les forces conjonctives ont bien dû l’emporter sur les forces disjonctives. Si, dans ce troupeau, la puissance d’association n’avait pas surpassé la puissance de dissociation, l’humanité aurait péri depuis des milliers de siècles.

Après une période de concentration, dans un seul habitat, vient le stade de la dispersion sur une aire de plus en plus étendue. Encore dans cette phase, les forces solidaristes ont dû l’emporter fort longtemps sur les forces antagonistes ; car, dans le cas contraire, les premiers troupeaux se seraient détruits et, de nouveau, il n’y aurait pas eu d’humanité. Assurément les fables sur la bonté primordiale de l’homme sont ridicules, mais les fables sur sa méchanceté le sont autant, parce qu’il ne s’agit ici ni de bonté, ni de méchanceté. Dans la nature aveugle, il n’y a ni vertu, ni scélératesse : il n’y a que des résultantes. Quand les facteurs poussant à l’association étaient les plus forts, ils prenaient le dessus ; quand ils étaient les plus faibles, le dessous. Il faut bien que les facteurs conjonctifs aient été les plus puissants, puisque les associations se sont maintenues. Il y a des êtres innombrables qui sont forcés de s’attaquer les uns les autres. Les darwiniens en ont conclu que tous les êtres, sans exception, doivent toujours s’attaquer les uns les autres, quelles que soient les relations dans lesquelles ils peuvent se trouver. Cette idée, appliquée à notre espèce, a abouti au célèbre aphorisme de Hobbes : homo homini lupus. En raisonnant ainsi on méconnaît l’essence même de l’association et on arrive à une impossibilité