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potkine[1], et les verglas qui les suivent souvent ; les gelées et les tourmentes de neige qui reviennent chaque année dans la seconde moitié de mai,… les gelées précoces et les grosses chutes de neige en juillet et en août détruisent par myriades les insectes ainsi que les secondes couvées des oiseaux ;… enfin, les grosses chutes de neige au commencement d’octobre finissent par rendre un territoire aussi grand que la France et l’Allemagne absolument impraticable aux ruminants et les détruisent par milliers : voilà les conditions où je vis la vie animale se débattre dans l’Asie septentrionale. Cela me fit comprendre de bonne heure l’importance primordiale dans la nature de ce que Darwin décrivait comme « les obstacles naturels à la surmultiplication », en comparaison de la lutte pour les moyens d’existence entre individus de la même espèce, que l’on rencontre çà et , dans certaines circonstances déterminées, mais qui est loin d’avoir la même portée. »[2] On voit combien le nombre des individus qui périssent par suite des intempéries des saisons dépasse le nombre de ceux qui périssent, non seulement sous les attaques d’individus de même espèce, mais même d’individus d’espèces différentes. D’abord, les herbivores et les fructivores ne peuvent pas périr sous les attaques d’individus de leur propre espèce. Quant aux carnivores, comme je l’ai montré plus haut, ils ne se mangent pas entre eux. Et il en est ainsi par suite d’une raison de l’ordre universel, à

  1. L’Entraide, traduction L. Bréal. Paris, Hachette, 1906, p. VII.
  2. Le même auteur dit encore : « Lorsque mon attention fut attirée sur les rapports entre le darwinisme et la sociologie, je ne me trouvai d’accord avec aucun des ouvrages qui furent écrits sur cet important sujet. Tout s’efforçaient de prouver que l’homme, grâce à sa haute intelligence et à ses connaissances, pouvait modérer l’âpreté de la lutte pour la vie entre les hommes : mais ils reconnaissaient aussi que la lutte pour l’existence de tout animal contre ses congénère, et de tout homme contre les autres hommes, était « une loi de la nature ». Je ne pouvais accepter cette opinion parce que j’étais persuadé qu’admettre une impitoyable guerre pour la vie, au sein de chaque espèce, et voir dans cette guerre une condition de progrès, c’était avancer non seulement une affirmation sans preuve mais n’ayant même pas l’appui de l’observation directe. » ibid., p. IX.