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capitaus manquent dans ces pays. En Chine les nouvelles entreprises sont rares. Le Céleste-Empire possède les plus beaux gisements de charbon du monde ; à peine en a-t-on commencé l’exploitation. Les Chinois n’ayant pas de nouvelles carrières encombrent les anciennes ; l’offre du travail est plus abondante que la demande et les salaires sont bas. Imaginez les capitaus aussi abondants en Chine qu’en Europe[1]. Ils auraient cherché des placements, ils auraient suscité des entreprises nouvelles. Mais tant que les Asiatiques manqueront de capitaus, ils n’auront pas la possibilité d’installer leur outillage industriel sur le même pied que le nôtre.

La plupart des grandes filatures établies aux Indes l’ont été par des Anglais. Le Japon seul a quelques filatures fondées par des capitalistes indigènes (et encore on dit qu’ils reçoivent des subsides du gouvernement). Aussi longtemps que l’Europe commanditera l’industrie asiatique, elle n’a rien à craindre de l’Asie, puisqu’en définitive une grande part des profits lui reviendra. Maintenant, quand toutes les entreprises appartiendront aux Asiatiques, c’est que les capitaus seront devenus abondants en Asie ; alors les salaires y hausseront inévitablement.

Le globe entier est devenu un seul marché. Les prix des denrées tendent de plus en plus à s’égaliser dans tous les pays. La même tendance existe pour les salaires. Seulement, comme on ne transporte pas les hommes aussi facilement et à aussi bon compte que les marchandises, l’équilibre des salaires est encore loin d’être aussi avancé que celui des denrées. Mais nous nous y acheminons inévitablement par des chemins fort nombreus. D’abord les améliorations techniques. Tous les jours les bateaux à vapeur et les locomotives étant perfectionnés, les prix des voyages baissent. D’autre part l’instruction se répand ; les hommes commencent à mieux connaître le globe. Les pays lointains effraient moins. Les préjugés diminuent et rendent les départs plus faciles. Un grand nombre d’Hindous croient encore perdre leur caste, en se rendant par mer en Angleterre. Aussi ils évitent de faire ce voyage. Quand moins d’Hindous auront ces préjugés absurdes, ils se déplaceront plus facilement. Les Chinois sont plongés aujourd’hui dans une profonde ignorance. Ils pullulent dans leur pays. Ils ne savent pas combien de terres incultes et désertes pourraient être fécondées par leur travail. Mais ils l’apprennent de plus en plus. Le temps n’est pas

  1. Et il faut ajouter aussi mobiles. Les épargnes peuvent être considérables en Chine. Mais si elles s’enferment dans des cachettes sous forme de lingots d’argent, elles sont comme si elles n’étaient pas.