Page:O'Leary - Le roman canadien-français, 1954.djvu/140

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
138
ROMANS D’ANALYSE

peintre d’âmes qu’il s’était révélé dans son précédent roman. Sa psychologie s’affirme même ici plus réaliste, dans l’analyse du cas de Jean Sirois qu’une flamme intérieure consume en même temps que le mine physiquement un cancer au poumon.

Jean Sirois est un faible et un débile, mais un être d’élite que sa faiblesse et sa débilité empêcheront toujours de s’extérioriser. Son chef de bureau, parce qu’il sent confusément que Sirois a compris sa médiocrité, le persécute ; mais cette persécution à laquelle il se livre contre lui, il ne veut pas se l’avouer. Tout comme Sirois, c’est par son monologue intérieur que l’on connaît Poirier. Il raisonne, ergote pour se justifier : des hommes comme Sirois, il faut savoir les remettre à leur place, car sans cela que deviendraient l’autorité et l’ordre ? N’est-ce pas au fond qu’un envieux ? Ne lui a-t-il pas reproché deux augmentations de salaire accordées à un de ses collègues ? Mais il a su lui répondre : « Votre œil est-il mauvais parce que je suis bon ? » Il possède son Évangile, lui, et il peut à l’occasion le citer, ce que Sirois serait probablement bien embarrassé de faire ; des scrupules, il n’a pas à en avoir ; ne se prive-t-il pas de fumer pour obtenir la conversion d’un homme qu’il n’aime pas ? Ces scrupules n’ont donc aucune raison d’être. Il s’avoue peut-être que « sa