Page:Octave Mirbeau - Dingo - Fasquelle 1913.djvu/141

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ceinture de gymnaste ou de pompier, — en fait dégager les abords… Il renseigne Jaulin :

— L’assassin a tout avoué… Il s’appelle Coquereux, qu’il dit… Joseph Coquereux… C’est un tuilier… On va l’emmener à Beauvais…

Quelques minutes passent… Quelques cris : « À mort ! À mort ! » se perdent dans le remous de la foule. Mais la foule est chaste. Sur la nature du crime, nulle allusion inconvenante, nulle plaisanterie équivoque. Et le nom de Coquereux, qui va de bouche en bouche, fait comme un léger bourdonnement. Brusquement, des cris s’élèvent :

— L’assassin ! L’assassin !

En effet, au haut des marches, un petit vieux, vêtu de loques comme un mendiant, paraît entre deux gendarmes, les poignets liés derrière le dos… À sa boiterie, à sa misère, je reconnais l’homme de la route. Et il est si petit, si maigre, il boite si fort, il se montre si modeste, il s’efface tellement entre les gendarmes, qu’il se fait un grand silence dans la foule désappointée… C’est vrai qu’il n’a l’air de rien… de rien du tout… Un pauvre visage quelconque, un peu effaré devant tant de monde… une peau grise, fripée, qu’une courte barbe semble couvrir de cendres, des yeux morts qui ne se posent nulle part, ni sur personne, des yeux qui n’ont pas de regards… Et c’est tout.