Page:Octave Mirbeau - Dingo - Fasquelle 1913.djvu/154

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la patronne… installez-vous… » Comme de juste, j’avais remisé ma voiture dans la cour, sous un hangar… Je ne pensais qu’à dormir… Je me couchai sur la paille… Je ne sais pas l’heure qu’il était… le jour avait baissé, et la pluie tombait encore… Il pouvait être, dans les sept heures et demie, huit heures… quand je fus réveillé par une voix… « Hé ! l’homme… Hé ! l’homme ! » que faisait la voix… Alors, je vis devant moi, une petite fille de dix, douze, quinze ans… je ne pouvais pas bien distinguer… Elle avait une grande blouse rose… un grand col blanc… Une natte lui pendait dans le dos… Et elle tenait dans ses mains, une soupière qui fumait… « V’là de la soupe », qu’elle me dit… « Levez-vous et mangez… » Je me mis sur mon séant… et me frottai les yeux… pour mieux voir la petite. Elle était gentille… Je ne la voyais pas bien… Mais elle était très gentille… une petite frimousse très gentille… Moi, j’aime les enfants, monsieur le juge… Les enfants… ça me fait de l’effet au cœur… Ma foi… oui !… Je suis comme ça… Je lui dis, sans mauvaise intention bien sûr… « Pose donc ta soupière… là-bas… sur les paniers… et viens me faire mignon… » — « Ah ! Non ! » qu’elle me dit. — « Pourquoi ? » que je lui dis — « Vous êtes trop laid », qu’elle me dit… Cette gamine !… voyez-vous ça ?… C’est vrai que