Page:Octave Mirbeau - Dingo - Fasquelle 1913.djvu/178

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Ils crièrent :

— Notre argent !… Nos terres !… Nos maisons !…

Le bourrelier, Joseph Velu, lui jeta à la face :

— C’est toi qui as ruiné ton mari… catin… c’est toi !… Notre argent, tout de suite !

Elle ne savait rien… ne comprenait rien… et son visage était comme un visage que la raison n’habite plus.

Elle aussi criait :

— Qu’est-ce que vous dites ?… Qu’est-ce que vous dites ?… Je ne sais pas ce que vous dites.

Velu s’avança jusqu’à elle, la menaça du poing. Un autre la tira par les cheveux.

— Ta dot !… Nous voulons ta dot, entends-tu ! Tu vas nous rendre ta dot… et tes bijoux…

Elle n’avait pas de dot… Elle n’avait pas de bijoux… Elle n’avait rien… À elle toute seule, elle était plus misérable, plus pauvre, plus dépouillée de tout que ces forcenés qui hurlaient contre elle… Elle répétait, sans comprendre :

— Ma dot… Une dot… Qu’est-ce que vous dites !… Qu’est-ce que vous dites ?

Et puis, tout à coup, elle s’affaissa, s’évanouit. Velu qui, parvenu derrière elle, lui avait asséné un coup de poing sur la nuque, crut, la voyant tomber, qu’il l’avait tuée. Il s’enfuit… Et tous, pris de peur, s’enfuirent avec lui…