Page:Octave Mirbeau - Dingo - Fasquelle 1913.djvu/231

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sionné, une agitation nerveuse qui me préoccupaient fort pour l’avenir. Car je sentais bien que le moment où il ne le retiendrait plus, cet élan sauvage était tout proche… Et alors ?…

Un jour, ivre d’espace ou bien lancé à la poursuite d’un gibier imaginaire, il faisait par bonds impétueux, jusqu’à perte de souffle, vingt fois, trente fois le tour de l’enclos. Un autre jour, ne l’ayant pas vu de toute la journée et craignant de l’avoir perdu, je le découvrais enfin le soir, sous une touffe d’arbustes, le corps allongé, raidi, vibrant comme celui d’un tigre à l’affût, avec toutes les violences, toutes les ivresses de la chasse et de la guerre dans les yeux.

— De l’idéal !… Ah ! oui, de l’idéal !… Il n’est que temps… Allons… allons… il n’est que temps…

Mais quel idéal ?… J’étais embarrassé et perplexe… Il y en a tellement et de tant de sortes… La guerre aussi est un idéal… et même le plus fameux… Ah ! c’était bien difficile…

Je me décidai enfin à ceci. Doucement, par des détours insidieux, sans le heurter trop vivement dans ses habitudes et dans ses idées, je tentai de l’amener à une conception moins hasardeuse, plus policée de la vie… de la vie européenne, dont je me gardai bien, d’ailleurs, de lui tracer un tableau véridique. En bon historien