Page:Octave Mirbeau - Dingo - Fasquelle 1913.djvu/274

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simplistes. Ce furent eux — les braves gens — qui entreprirent de me calmer, de me consoler. Oubliant leur peine et leur rancune, ils m’entourèrent de leur affection bruyante et désordonnée. Toutes les banalités enfantines, les condoléances bébêtes que nous suggère le spectacle de la douleur, ils ne m’en épargnèrent aucune. Hélas ! quand je repense parfois à la mort du mouton de Sir John Lubbock, je ne puis me défendre d’un rire amer et comique. Il me semble bien que ni eux ni moi ne fûmes sincères en cette occasion tragique.

— Ce n’est pas de votre faute, mon ami… me dit Mme Legrel…

— Allons ! allons ! calma Legrel, ce n’est de la faute de personne…

Et Mme Legrel reprit :

— Qu’est-ce que vous voulez ?… C’est un malheur sans doute… mais un malheur comme il en arrive tous les jours à ces pauvres moutons… Après tout, ce n’était qu’un mouton… voilà ce qu’il faut se dire…

— Un ovidé… professa Legrel… un simple ovidé…

Comme si de le ramener à son impersonnalité zoologique, cela fût moins douloureux, cela fût en quelque sorte professionnel, scientifique, de l’avoir perdu…