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la parade. J’espérais avoir à me défendre contre une amabilité trop familière. Et je tombe sur deux pauvres filles dans une pauvre chambre. La pitié… je n’y avais pas pensé. Et j’en voulais un peu à Lina Lauréal de mêler une tristesse à ma joie de retrouver Dingo.

Lina Lauréal est blonde, d’un blond trop blond, d’un blond teint. Pas encore coiffée, elle est fortement maquillée. Les yeux sont d’une grande douceur. Elle a certainement été jolie. Elle le serait encore, n’était la déformation de son menton amolli, de ses paupières battantes, de son visage tiré. Son peignoir, qui fut élégant, est trop large pour elle et a perdu chez les revendeuses la richesse de sa soie et l’éclat de sa couleur.

La sœur de Lina Lauréal cousait toujours sans prononcer une parole. Quand elle levait les yeux, elle jetait sur Lina, sur Dingo ou sur moi un regard fixe et distrait, comme si elle fût étonnée qu’il y eût dans la vie d’autres tâches que celle de la couture. Elle était très maigre, très brune, avec une mince figure de rat

Lina Lauréal, tout en caressant l’échine de Dingo, me raconta leur rencontre, d’une voix rapide et sautillante, qui souvent s’élargissait en intonations de théâtre. Parfois, elle était interrompue par une quinte de toux, sèche et saccadée. Dépassant le haut de son peignoir, un