Page:Octave Mirbeau - Dingo - Fasquelle 1913.djvu/371

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J’étais allé à la poste de la place du Trocadéro recommander une lettre. Dingo m’avait accompagné jusqu’à la porte du bureau. Mais il n’entra pas. Il avait gardé son horreur des boutiques et des magasins. Je dus faire la queue devant un guichet. Je restai un bon quart d’heure à contempler l’employé, qui pesait les lettres et les frappait d’un timbre à date avec une violence précise et comme s’il accomplissait une œuvre de vengeance…

Lorsque je sortis du bureau, je sifflai Dingo que je ne voyais pas. À l’autre bout de la place, il y avait un attroupement. Un peu inquiet, j’allai dans cette direction. Des gens discutaient autour de Dingo, d’un sergent de ville et d’un homme, qui essuyait avec son mouchoir sa gorge ensanglantée. J’entendais ces phrases :

— Quand on a des bêtes, on les garde…

— Moi, je l’aurais descendu à coups de revolver…

— Si c’avait été un enfant, il l’aurait tué…

Je traversai le cercle des curieux et m’approchai du sergent de ville qui disait :

— Il est tombé sur le manche…

Et comme, autour de lui, on murmurait, il ajouta :

— Puisque je vous dis que c’est un voleur de chiens… je le connais… allez… Aujourd’hui, je