Page:Octave Mirbeau - Dingo - Fasquelle 1913.djvu/386

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ment et la déchiquette avec des mouvements saccadés de la tête. Il joue avec la fourrure comme avec une bête qui pendrait dans sa gueule et qu’il agiterait dans l’espace, à droite, à gauche, de haut en bas. Il a des grognements de menace, de colère et d’ivresse aussi. Car Dingo est à la chasse. Les fourrures sont des bêtes vivantes, elles ont gardé l’odeur de la bête vivante. Dingo les déchiquette, les balance et les traîne. Sans doute le sang va jaillir et aussi les viscères gluants et mous, dont l’odeur et la saveur ne sont parfaites qu’à l’instant où ils sortent du ventre entrouvert par les crocs. Dingo va d’une proie à l’autre, d’une bête à l’autre, d’une ivresse à l’autre. Il apporte ses victimes au beau milieu du salon, qui devient un champ de carnage. Il a traité comme des lapins ou des rats les étoles de zibeline. Maintenant il traîne, happé dans sa gueule, un long manteau de loutre, où ses pattes s’embarrassent. Alors Dingo a trouvé un adversaire digne de lui. Il desserre l’étreinte de sa gueule, fonce sur le manteau étalé à terre, le saisit à nouveau et le mord avec une agitation si féroce que ses mâchoires et ses pattes ont des contractions convulsives.

Miche sur un fauteuil est absolument immobile. Ses pattes de devant sont un peu ployées. Elle est rassemblée en boule. Ses yeux verts com-