Page:Octave Mirbeau - Dingo - Fasquelle 1913.djvu/387

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templent avec une volupté grave les fourrures étalées au tapis du salon et Dingo lui-même, dont la rage carnassière s’exaspère à mesure que ses proies, davantage déchiquetées, augmentent de nombre et diminuent de grandeur.

C’est alors que j’entrai dans le salon. Je n’ai point à dire ma stupéfaction et ma fureur. J’allai vers Dingo prêt à le frapper, à me venger, à venger les fourrures. Mais Dingo s’allongea sur le manteau de loutre et son grognement furieux m’invita à la prudence. Il montrait les crocs et défendait sa chasse.

Je ramassai les autres fourrures et les empilai dans un coin et, n’osant frapper Dingo qui continuait à grogner, je l’insultai…

Enfin Dingo, haletant, retourna près du fauteuil de Miche, qui semblait lui dire :

— C’est bien embêtant… c’est bien embêtant…

Décidément la vie avec Dingo était aussi impossible à Paris qu’à Ponteilles. D’ailleurs, je commençais à me demander si la faute en était à Dingo. À Ponteilles, ses crimes n’étaient-ils pas justifiés par la méchanceté des paysans, leur rapacité, leur bêtise ? À Paris, sa responsabilité était bien plus atténuée encore. Son premier acte de violence. Dingo l’avait accompli pour se défendre contre un voleur. Et si ses instincts de