Page:Octave Mirbeau - La 628-E8 - Fasquelle 1907.djvu/120

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

à cette absurde visite, par cette idée, non moins absurde, de m’habituer tout de suite à l’idée de la défaite, de la dénationalisation, de la belgification, qu’évoque en moi le nom seul de Waterloo.

Mais je n’ai rien vu, au champ de bataille de Waterloo… Au champ de bataille de Waterloo, près de l’auberge de Belle-Alliance, où quelques excursionnistes anglais échangeaient de petits cailloux jaunes contre de petits cailloux noirs, je n’ai vu, debout sur une table, les jambes bottées, sur la tête un panama en bataille, aux yeux une énorme lorgnette, je n’ai vu que M. Henry Houssaye, qui regardait… quoi ?

Des corbeaux volaient ici et là, dans la morne plaine… Et je me dis mélancoliquement :

— Il les prend encore pour des aigles.



Au musée.


Je ne dirai rien des visites que j’ai faites aux Musées. Je veux garder secrètes en moi, au plus profond de moi, les jouissances et les rêveries que je vous dois, ô Van Eyck, ô Jordaens, ô Rubens, ô Teniers, ô Van Dyck !… Je veux, en admirateur respectueux, soucieux de votre immortel repos, vous épargner toutes les sottises, épaisses, gluantes, que sécrètent hideusement les critiques d’art, lorsqu’ils se trouvent en présence des œuvres d’art, de n’importe quelles œuvres d’art, sottises indélébiles qui, bien mieux que les poussières accumulées et les vernis encrassés, encrassent à jamais vos chefs-d’œuvre, et finissent par vous dégoûter de vous-mêmes… Ah ! c’est bien la peine que vous ayez été de grands hommes et de braves gens !