Page:Octave Mirbeau - La 628-E8 - Fasquelle 1907.djvu/259

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— À qui j’assigne, entre les ports du monde, la plus puissante virtualité spécifique de spéculation.

Et il éternua sept fois de suite, car c’était une de ses particularités d’éternuer abondamment, sans se laisser distraire de son discours…

— Il ne s’agira plus, continuait-il entre les derniers éternûments, de la hausse ou de la baisse… atchi !… des stocks des marchandises du monde… ou du cours de quelques milliards de fonds publics… qu’est-ce que c’est que ça ?… Mais non… Il s’agit, comprenez bien… d’une sorte… mettons, si vous voulez… de Bourse… d’Agence, de Tribunal, où s’arbitrera et se compensera le malheur humain… qui fera équilibre à toutes les mauvaises chances du calcul des probabilités, et où viendront successivement s’amortir les inévitables crises des évolutions futures…

Or, je ne me demandais même pas, en l’écoutant, s’il arriverait jamais à posséder cette fortune qu’il poursuivait depuis si longtemps, en vain, mais seulement – considérant son pauvre dos qui se voûtait – je déplorais, à part moi, qu’il dût lui rester si peu d’années pour en jouir…

— Écoutez, me dit-il enfin, très tard, tandis que le dernier garçon resté pour nous servir, sommeillait lourdement, sur une chaise, sa serviette entre les jambes…, écoutez… Il y a des années que je n’en ai dit autant à personne… Avec mes Hollandais… je sais aussi…

Et il sourit finement :

— Je sais aussi me taire, diable !… ou ne parler que chiffres… Mais je veux vous confier encore, à vous, un secret… Il y a eu des gens pour douter de mon avenir… En général, personne n’a guère cru en moi… Vous-même… Mais si… Laissez donc !… qu’est-ce que ça fait ?… Tenez… vous rappelez-vous ?…