être le Pape, au lieu de s’en remettre à des apaches français et à des cardinaux espagnols du soin de veiller sur l’Église romaine menacée, eût-il sagement agi en faisant appel à l’intelligence avisée d’un simple concile d’oies. Ayant sauvé le Capitole, elles pouvaient bien sauver le Vatican.
La tête perchée sur un très long cou, elles se sont, de bonne heure, habituées à considérer les choses de haut et de loin. Si elles ont du goût pour les idées générales, pour les vastes ensembles, elles ne dédaignent pas, non plus, le détail particulier, mais ne s’attardent jamais aux mille puérilités, aux mille stupidités où se complaît la vie des autres volailles. Rien ne les étonne et ne les effraie ; rien ne leur échappe. Sachant maîtriser leurs nerfs, elles sont, en toutes circonstances, harmonieuses et logiques. Mieux que toutes les bêtes et, par conséquent, mieux que tous les hommes, elles connaissent la valeur sociale de la discipline. Bien avant M. Jules Guesde, elles ont pu, sans congrès, sans scandales, sans batailles, unifier leur socialisme. Car les oies sont socialistes… Il n’y a même que les oies qui le soient d’une manière intégrale. Jusqu’ici, on n’a pu relever la moindre dissidence dans leurs rangs, si parfaitement organisés, où elles gardent un contact très étroit, heureuses dans une égalité absolue.
Un de mes amis possède, dans sa propriété, une sorte de petit étang, qu’il a peuplé de toutes sortes d’oiseaux d’eau. On y remarque deux oies de Siam, fort majestueuses, dont la blancheur est éclatante et dont la tête s’orne d’étranges caroncules orangées. Ce petit monde vit, séparé par espèces, sans jamais se mêler. Ils ne se battent pas, mais ils refusent énergiquement de se connaître et de s’entr’aider. Un jour, mon ami introduisit, sur l’étang, deux couples de bernaches, que les naturalistes