Page:Octave Mirbeau - La 628-E8 - Fasquelle 1907.djvu/320

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flaques boueuses que parce qu’ils sont tourmentés du besoin de se baigner, hantent peu les routes, sinon au retour des foires. On ne les voit guère qu’au bord des mares et dans les fossés, où ils barbotent avec volupté et se réjouissent de leur humidité fangeuse. Se réjouissent-ils autant qu’on le croit ?… J’ai toujours admiré leur petit œil malicieux, intelligent et si vif… Ils semblent dire, car ils ont aussi de la bonhomie, de l’indulgence, comme tous ceux qui sont gras :

— Parbleu ! nous qui adorons la propreté, tu penses si nous préférerions un bon tub, avec de la belle eau claire, parfumée au benjoin… Nous autres, vieux cochons, ne rêvons que de mousses de savon, de pâtes d’amande, de frictions au gant de crin, de pédicures… Mais tu vois… on ne nous donne que ça !… Il faut bien s’en contenter…

Ils semblent dire encore :

— C’est dommage que les hommes, en France, soient si sales… qu’ils aient vraiment le goût de la saleté… Ils ne se doutent même pas, que, propres comme des cochons d’Alsace ou d’Angleterre, nous sommes bien meilleurs à manger et valons beaucoup plus d’argent.

Si, exceptionnellement, en traversant la route, ils se font écraser, croyez alors qu’ils se vengent. Il n’y a pas d’exemple que l’auto ne capote sur leur masse de lard et de viande, et ne fasse, instantanément, une même horrible bouillie de l’homme et du cochon…



C’est tout à fait par hasard que j’ai vu, sur nos routes, des chameaux… Les chameaux sont très rares en France – je le dis au propre, bien entendu. Si j’en juge