Page:Octave Mirbeau - La 628-E8 - Fasquelle 1907.djvu/356

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l’argent qui nous manque, et vous êtes les premiers, sans le savoir, probablement, à donner à nos banques tout l’argent qu’elles veulent bien prendre aux vôtres ; ce n’est pas la force motrice, que nous avons à bien meilleur marché que vous ; ce n’est pas, non plus, la persévérance ni même l’entêtement familier à nos têtes carrées… Non, c’est quelque chose de particulier, d’inimitable et d’un peu fluide, comme dirait votre Rostand : la spontanéité imaginative, le goût, l’esprit… Oui, voilà… vous avez du goût et de l’esprit… Vos ouvriers sont spirituels, et, spirituels, ils sont adroits… En France, c’est un de mes plaisirs que de causer avec eux… Tenez… nos chauffeurs… ce sont, parfois, rarement, des espèces d’ingénieurs vaniteux et gourmés, le plus souvent, des domestiques… Vos chauffeurs, à vous, ce sont de véritables compagnons de route, alertes et gais… Ah ! si nous avions des ouvriers, comme les vôtres, je vous assure que vous n’en mèneriez pas large, en France.

Pour répondre à des compliments si flatteurs, et que ma modestie jugeait exagérés, j’eusse voulu parler de Wagner, de Bismarck et de Nietzsche. Le moment m’eût paru propice pour une apologie de Gœthe, de Heine, de Beethoven ou de Schiller… Je n’étais pas en verve. Je me bornai à louer, assez gauchement, le Pisporter et les voitures allemandes.

— Sans doute, acquiesça von B… nous avons, non pas des bonnes voitures, mais une bonne voiture… Nous avons la Mercédès… J’ai une Mercédès… Il faut bien !…

Après un temps :

— Il faut bien ! répéta-t-il, non sans mélancolie… La Mercédès est vite, solide, un peu grossière de mécanisme, trop compliquée… Les pannes en sont terribles… Au