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Page:Octave Mirbeau - La 628-E8 - Fasquelle 1907.djvu/482

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LA 628-E8

mollit peu à peu. Il parut respirer moins douloureusement… Nacquart était au courant des dissentiments du ménage… Voyant le malade plus calme, espérant peut-être un attendrissement, il demanda : « Avez-vous une recommandation à me faire ?… quelque chose à me confier ?… Enfin, désirez-vous quelque chose ? » À chaque question, Balzac secouait la tête et répondait : « Non… je n’ai rien… je ne désire rien. » Nacquart insista : « Vous ne voulez voir… personne ? — Personne. » À aucun moment, au cours de cette visite, il ne parla de sa femme. Il semblait qu’elle n’existât plus pour lui… qu’elle n’eût jamais existé… Comme Nacquart allait partir, Balzac demanda du papier, un crayon… D’une main tremblante, il traça une dizaine de lignes… Mais il était si faible que le crayon lui glissa des doigts… Il dit : « Je crois que je vais m’endormir… Je terminerai cela… quand je me sentirai un peu plus fort… » Et il s’assoupit. Qu’avait-il écrit ? À qui avait-il écrit ? On ne retrouva jamais cette feuille, qui eut le sort de beaucoup d’autres, qu’on ne retrouva pas non plus…

Pendant qu’il parlait, Gigoux, qui était un peu cabotin, comme tous les conteurs, me considérait du coin de l’œil, essayant de surprendre mes impressions, au besoin de les provoquer. Il n’avait point l’habitude des récits dramatiques. Sa grosse verve joyeuse, commune et brutale s’y trouvait mal à l’aise. Pourtant, il me parut sincère, ému. Je ne l’en écoutai pas moins, impassible, sans l’interrompre.

À ce moment, il se tut, reprit haleine, passa plusieurs fois la main sur son front, et, d’une voix un peu plus basse, un peu moins hardie :

— Ce matin-là, poursuivit-il, j’étais venu de très bonne heure chez Mme de Balzac. Je la trouvai dans