Page:Octave Mirbeau - La 628-E8 - Fasquelle 1907.djvu/66

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— Ça n’est pas convenable, là !

— Pourquoi ?

— Parce que…

— Alors, on ne verra pas le Manneken-Piss ?

— Si, tu le verras… Tu le verras avec ta mère… Seulement, tais-toi !

Et le père continuait de s’instruire auprès du patron de l’hôtel.

— Nous avons ici, énumérait ce dernier, de très beaux calcaires… une importante fabrique de colle forte… des tanneries…

— Des tanneries ?… Ah !… c’est intéressant… Et la conserve ?

— Non, nous n’avons pas ça… Par exemple, nous avons aussi une belle usine de caoutchouc…

— Bigre !… Ah ! dites-moi ?… Et pas de conserve ?… C’est curieux !…

À cette insistance, nous comprîmes que le gros monsieur avait, quelque part, un établissement de conserves… Malgré son air bonhomme, avait-il dû en empoisonner des gens ! Et, peut-être, avait-il élevé ses enfants avec ses produits, ce qui expliquait leur teint terreux et maladif… Satisfaits de ce renseignement et de ces hypothèses, nous allions nous retirer, quand le mécanicien entra, en cotte de travail, les mains toutes noires de graisse…

— Ah ! Ferdinand, dites-moi ?… La voiture ?… Ça va, hein ?… Nous partons demain, à huit heures, mon garçon… huit heures précises… Dites-moi ?… Faites le plein d’essence… Voyons… Namur ?… Soixante kilomètres, à peu près, hein ? Non… le demi-plein… Ce sera assez…

Le mécanicien parut gêné, se gratta la tête :

— C’est que… dit-il… voilà… la machine ne va pas du tout… Elle n’embraye plus…