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pour jamais à Philippe le commandement des armées ; mauvais père, qui comptait ses filles pour rien : on connaît le mot plein d’insensibilité qui lui échappa auprès du grand bassin, lorsque Madame de Lude lui apportait la nouvelle si affligeante du danger de la duchesse de Bourgogne ; prince vindicatif et cruel, qui fit enlever au mépris du droit des gens, un étranger, ce malheureux gazetier de Hollande, et lui fit expier pendant onze années, dans une cage de fer où les rats lui rongeaient ses pieds goutteux, le crime d’avoir attenté à la gloire d’un ennemi ; prince fourbe, qui donnait pour instruction au dauphin de violer la foi des traités ; jaloux de la plus chétive gloire, jusqu’à donner pour siens les vers qu’il s’était fait dicter par Benserade ou Dangeau ; vers, après tout, qui lui appartenaient aussi bien que les victoires de Turenne ou de Luxembourg, et dont il avait autant de droit de tirer vanité. Prince si aveuglé par les succès, si infatué par les flatteries, qu’il s’était persuadé que ce n’étaient point ses généraux qui gagnaient les batailles, mais son règne ; et qu’il voyait indifférent de mettre à la tête des armées un de ses valets ou un grand homme. Pour prix des éloges de la nation, et de son administration insensée, il l’écrasa de son faste, il l’obéra pour jamais ; il nous donna la capitation et le dixième, il greva l’État, en vingt ans, de quinze cents millions de rentes ;