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l’expérience, lorsque, suivant le vieux style, ayant commencé sa dernière adresse par ces mots : Sire, nous apportons aux pieds de Votre Majesté, on lui cria : À bas les pieds. Ce qui doit consoler l’honorable membre de cette disgrâce, c’est l’adresse de remercîment qu’il vient de recevoir de la part des anguilles de Melun, sur son sursis au droit de pêche. Français, vous êtes toujours le même peuple, gai, aimable, et fin moqueur. Vous faites vos doléances en vaudevilles, et vous donnez dans les districts votre scrutin sur l’air de Malbroug. Mais ce peuple railleur, la nuit du 4 août l’élève au-dessus de toutes les nations. On a bien vu chez les autres peuples le patriotisme faire des sacrifices, et les femmes, dans les calamités, porter leurs pierreries au Trésor public : les dames romaines se dépouillaient de leur or, mais il leur fallait des distinctions, des litières, des chars, des ornements exclusifs, et du rouge ; autrement, disaient-elles, et si on ne révoque la loi Appia, nous ne ferons plus d’enfants. Il était réservé aux dames françaises de renoncer même aux honneurs, et de ne plus vouloir de distinctions que celles dont les vertus ne sauraient se défendre, les bénédictions du peuple.

Français, est-ce que vous n’instituerez pas une fête commémorative de cette nuit où tant de grandes choses ont été faites sans les lenteurs du scrutin, et comme par inspiration ?