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Hæc nox est… C’est cette nuit, devez-vous dire, bien mieux que de celle du samedi saint, que nous sommes sortis de la misérable servitude d’Égypte. C’est cette nuit qui a exterminé les sangliers, les lapins, et tout le gibier qui dévorait nos récoltes. C’est cette nuit qui a aboli la dîme et le casuel. C’est cette nuit qui a aboli les annates et les dispenses, qui a ôté les clefs du ciel à un Alexandre VI, pour les donner à la bonne conscience. Le pape ne lèvera plus maintenant d’impôt sur les caresses innocentes du cousin et de la cousine. L’oncle friand, pour coucher avec sa jeune nièce, n’aura plus besoin de demander qu’à elle une dispense d’âge. C’est cette nuit qui, depuis le grand réquisiteur Séguier jusqu’au dernier procureur fiscal de village, a détruit la tyrannie de la robe. C’est cette nuit qui en supprimant la vénalité de la magistrature, a procuré à la France le bien inestimable de la destruction des parlements. C’est cette nuit qui a supprimé les justices seigneuriales et les duchés-pairies ; qui a aboli la main-morte, la corvée, le Champart et effacé de la terre des Francs tous les vestiges de la servitude. C’est cette nuit qui a réintégré les Français dans les droits de l’homme, qui a déclaré tous les citoyens égaux également admissibles à toutes les dignités, places, emplois publics ; qui a arraché tous les offices civils, ecclésiastiques et militaires, à l’ar-