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imbéciles et les fripons m’appellent modéré, s’ils le veulent. Je ne rougis point de n’être pas plus enragé que M. Brutus ; or, voici ce que Brutus écrivait : « Vous feriez mieux, mon cher Cicéron, de mettre de la vigueur à couper cours aux guerres civiles, qu’à exercer de la colère, et poursuivre vos ressentiments contre des vaincus. » On sait que Thrasybule, après s’être emparé d’Athènes, à la tête des bannis, et avoir condamné à mort ceux des trente tyrans qui n’avaient point péri les armes à la main, usa d’une indulgence extrême à l’égard du reste des citoyens, et même fit proclamer une amnistie générale. Dira-t-on que Thrasybule et Brutus étaient des feuillants, des brissotins ? je consens à passer pour modéré, comme ces grands hommes. La politique leur avait appris la maxime que Machiavel a professée depuis, que, lorsque tant de monde a trempé dans une conjuration, on l’étouffe plus sûrement, en feignant de l’ignorer, qu’en cherchant tous les complices. C’est cette politique, autant que sa bonté, son humanité, qui inspira à Antonin ces belles paroles aux magistrats qui le pressaient de poursuivre et de punir tous les citoyens qui avaient eu part à la conjuration d’Attilius : « Je ne suis pas bien aise qu’on voie qu’il y a tant de personnes qui ne m’aiment pas. »

Je ne puis m’empêcher de transcrire ici le