Page:Oeuvres de Camille Desmoulins - Tome 1.djvu/96

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Tout ce que je me rappelle, c’est que Desmoulins s’était associé, pour la rédaction de la Tribune des patriotes, la plume brillante et chaleureuse de V Orateur du peuple, Stanislas Fréron, et que ces deux jeunes gens sollicitèrent la collaboration de Marat. Je dirai peu de chose de cet incident.

Les violences de langage de Marat étaient aussi sérieuses que les colères de Camille étaient feintes, et elles exprimaient les fureurs convulsives de cet âme ulcérée et soupçonneuse. Celui-ci, témoin de la mauvaise impression que faisaient sur l’esprit public les intempérances de plume de l’Ami du peuple, cherchait à en atténuer l’effet déplorable. Il n’injuriait point Marat ; il feignait de ne le pas prendre au sérieux ; et cette tactique n’était pas malhabile. « Il faut, disait-il, passer quelque chose à Marat ; c’est Y enfant perdu de la presse patriote, le prophète Marat, Cassandre Marat ; c’est le dramaturge, le sapeur des journalistes. On doit penser de lui ce que les Grecs disaient d’Eschyle : c’est l’hy périr agique, le tragicotatos, etc., etc… Quand Marat publiait un de ces numéros furibonds à la suite desquels son médecin lui administrait d’office une saignée large et abondante, Camille analysait la diatribe, et s’écriait en terminant : « Très bien, divin Marat ! Toujours échevelé comme la pythonissel… » Quelquefois, Desmoulins citait l’ar-