CHANT QUATRIÈME.
Les empires détruits, les trônes renversés,
Les champs couverts de morts, les peuples dispersés,
Et tous ces grands revers, que notre erreur commune
Croit nommer justement les jeux de la fortune,
Sont les jeux de celui, qui maître de nos cœurs,
A ses desseins secrets fait servir nos fureurs,
Et de nos passions réglant la folle ivresse,
De ses projets par elle accomplit la sagesse.
Les conquérants n’ont fait par leur ambition
Que hâter les progrès de la religion :
Nos haines, nos combats ont affermi sa gloire :
C’est le prouver assez, que conter son histoire.
Je sais bien que féconde en agréments divers
La riche fiction est le charme des vers.
Nous vivons du mensonge, et le fruit de nos veilles
N’est que l’art d’amuser par de fausses merveilles :
Mais à des faits divins mon écrit consacré,
Par ces vains ornements serait déshonoré.
Je laisse à Sannasar son audace profane :
Loin de moi ces attraits que mon sujet condamne :
L’âme de mon récit est la simplicité.
Ici tout est merveille, et tout est vérité.
Le Dieu qui dans ses mains tient la paix et la guerre,
Tranquille au haut des cieux change à son gré la terre.
Avant que le lien de la religion
Soit un lien commun de toute nation,