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Page:Oeuvres de Walter Scott,Tome I, trad Defauconpret, 1830.djvu/137

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CHANT QUATRIÈME.

la première fois joindre celles de la Tweed, n’avaient entendu que le chalumeau du berger, n’avaient jamais été épouvantées des sons guerriers du clairon.

ii.

Il n’en est pas ainsi de la vie humaine. C’est un fleuve dont le cours varie sans cesse, mais condamné à conserver le souvenir des malheurs et des crimes qu’il a vus près de sa source, et dont les eaux se grossissent toujours des pleurs du passé et de ceux du présent. Quoique son courant rapide m’ait déjà entraîné bien loin, il réfléchit encore pour ma mémoire l’instant où mon brave fils, mon fils unique, périt aux côtés du grand Dundee[1] Pourquoi, lorsque les balles des mousquets vinrent frapper la lame sanglante du montagnard, pourquoi n’ai-je pas succombé avec lui ? Ah ! du moins il reçut la mort des héros ; il périt avec le vaillant Grœme ! …[2]

iii.

La terreur parcourait au loin toutes les montagnes et toutes les vallées des frontières. Le paysan abandonnait son humble cabane pour fuir dans des marécages inaccessibles, ou se réfugier dans des cavernes. Les troupeaux effrayés n’avaient d’autre abri qu’une tente grossière ; les jeunes filles et les mères fondaient en larmes, en voyant le fer étinceler dans la main des guerriers. Du haut de la tour de Branksome la sentinelle pouvait apercevoir dans le lointain d’épais nuages de fumée obscurcir les rayons du soleil levant ; ils annonçaient les premières dévastations des Anglais.

iv.

Tout à coup la sentinelle vigilante s’écrie : — Préparez vos armes, et apprêtez-vous à voir couler le sang ! Wat Tinlinn, des bords de Liddel, vient de passer à gué la rivière. Bien des fois les maraudeurs de Tynedale ont essayé

  1. Claverbouse. — Ed
  2. Autre nom de Claverhouse. James Grœme de Claverhouse, vicomte de Dundee. — Ed.