Page:Ohnet - L’Âme de Pierre, Ollendorff, 1890.djvu/107

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deux tableaux de genre, lorsque, pendant une absence qu’il avait faite, pour visiter des mines d’argent du côté de Calvi, une voiture, venue de Bastia, déposa à l’auberge de Torrevecchio deux voyageurs, accompagnés de leurs domestiques, qui demandèrent à déjeuner. Le patron, questionné sur ce qu’il pouvait y avoir de curieux à voir dans le pays, parla des peintures de l’église. Le plus jeune des deux voyageurs, que son compagnon appelait docteur, s’y rendit seul. Il s’arrêta devant une Résurrection, qu’il examina avec une attention profonde. Et comme le curé traversait la nef, il l’appela et lui dit :

— Vous possédez là, monsieur le curé, une oeuvre d’une bien grande valeur, d’un maître français… Car le peintre, qui a travaillé ici, n’est certes point un Italien ?…

— En effet, monsieur, dit le prêtre, c’est un Français.

— Comment se nomme-t-il ?

— Je l’ignore.

— Ah ! fit le docteur… Il est demeuré inconnu ?

— Mais il habite ce pays, reprit le curé, et…

Le docteur eut un regard étonné et, vivement :

— Depuis deux mois, alors, environ ?

L’étranger parut faire mentalement un calcul et murmura à mi-voix :

— C’est possible !

Puis tout haut :

— Savez-vous au moins son prénom ?

— Oui, monsieur, il s’appelle Pierre.

— Alors, il a les cheveux châtains, les yeux bleus, la moustache blonde, il est de taille moyenne ? interrogea l’étranger avec vivacité.

— La moustache blonde ? Non, dit le prêtre, il porte toute sa barbe, mais il a les yeux bleus et n’est pas de haute taille.