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Timour-beg la baisa trois fois et l’éleva au-dessus de sa tête avant de l’ouvrir. Après l’avoir lue, il m’envoya, à ma grande surprise, par une jeune et charmante esclave, l’invitation d’entrer dans la forteresse. Je ne devais pas m’attendre en effet à ce que cette gracieuse autorisation d’entrer dans Div-Hissar me pût venir par une femme. J’avais bien remarqué que les femmes que je rencontrais sur la route n’étaient pas voilées comme il est d’usage en Turkestan et je pensais qu’il en était de même ici, mais je ne comptais point que l’invitation d’entrer me viendrait par le beau sexe.

« Timour m’accueillit avec la cordialité simple et franche des Tartares. C’est un homme de trente-cinq à quarante ans, imberbe, court, mais bâti comme un Hercule. Accentuant son bon accueil, il nous fit servir un repas qui aurait pu satisfaire au moins trente convives. Notre boisson fut à ce repas une sorte de cidre avec lequel notre hôte finit par s’enivrer. Quand nous l’entendîmes ronfler, nous demandâmes la permission de nous retirer, ce qui nous fut accordé. Les dames du palais qui avaient assisté au repas, nous conduisirent à nos appartements. Les attentions dont alors nous fûmes l’objet méritent réellement d’être notées. Non seulement elles assistèrent à notre toilette, mais encore elles nous lavèrent les pieds et enfin, à mon grand ébahissement, elles se mirent à me masser de la tête aux pieds, et cela de la façon la plus franche et la plus dégagée. Il n’eût pas été convenable de refuser les soins gracieux dont les dames du palais croyaient devoir me faire l’honneur au nom sacré de l’hospitalité. C’est mon habitude de me conformer aux usages des pays où je voyage. Pourtant, prévoyant une longue traite pour le lendemain, je me hasardai à prier les dames qui me servaient de suspendre leurs bons soins et de me laisser reposer…

« Tout d’abord je m’étais flatté que j’avais été exceptionnellement bien traité et qu’en cela Timour-beg avait tenu à me donner un témoignage particulier de considération ; mais j’appris plus tard que mes compagnons de voyage et même mes domestiques avaient également reçu les soins des dames du