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le peuple faisoit la même cérémonie dans chaque horde[1]. »

Cette légende est la consécration épisodique de la réapparition des Mongols septentrionaux et remonte à l’année 545 de notre ère.

Si je la comprends bien, elle signifie que, forcés, pour se soustraire à une entière destruction, de s’enfermer d’abord dans un centre montagneux presque impénétrable, les Turcs-Mongols, désireux plus tard de reprendre leur essor, mirent le feu aux forêts qui obstruaient les passages d’issue de leur retraite ; que par l’ardeur du feu les roches, tout à l’heure difficilement attaquables, furent calcinées et cédèrent à l’action des masses ou des pioches en fer préparées par le maréchal, et purent, en s’effaçant, grâce aux efforts de tous, livrer un facile chemin aux familles nombreuses des tribus multipliées. Tant il est vrai que, pour un peuple en quête d’un bien-être qui lui fait défaut, il n’y a pas d’obstacles insurmontables, pas de distances infranchissables. Les obstacles, il les brise ou il les tourne ; les distances, il y use des générations ; mais il les franchit[2].

  1. De Guignes, Histoire générale des Huns, t. I, IIe partie, p. 368, in-4o (1756).
  2. La transmigration des Tourgouths ou Torgotes des bords de la mer Caspienne dans l’empire chinois est un témoignage moderne (1771) de ce que sait réaliser sous ce rapport la volonté d’un peuple.

    Mécontents de la manière dont les traitait le gouvernement russe qui les avait appelés chez lui et établis entre le Volga et le Jaïk, ils ont abandonné une position acquise par des siècles de possession « pour venir, disent-ils, admirer de plus près la brillante clarté du ciel et jouir enfin, comme tant d’autres, du bonheur d’avoir désormais pour maître, le plus grand prince de l’univers » (l’empereur de Chine).

    Malgré les différents combats qu’ils ont eus à soutenir ou qu’ils ont été obligés de livrer à ceux dont ils traversoient les terres, et aux dépens desquels il leur falloit nécessairement vivre ; malgré les déprédations qu’ils ont souffertes de la part des Tartares vagabonds qui les ont attaqués et pillés sur la route plus d’une fois ; malgré les fatigues immenses qu’ils ont essuyées en traversant l’espace de plus de dix mille lys (1000 lieues), dans un pays des plus difficiles à parcourir ; malgré la faim, la soif, la misère et une disette presque générale des choses les plus nécessaires à la vie, auxquelles ils ont été exposés pendant les huit mois qu’a duré leur voyage, ils étoient encore au nombre de cinquante mille