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HENRI CORNÉLIS AGRIPPA.
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intérêts que vous connaissez) ; je partis donc à travers le Peniacum pour gagner de là Gérona.

Vous m’aviez fait savoir que vous alliez à Barcinone. Enchanté de votre détermination, Janot prend la route de Barcinone pour des causes que nous n’ignorons ni l’un ni l’autre. Il me laisse donc seul de garde et se met en chemin. Il devait revenir vers le 15 juin, pensait-il (erreur de sa part), pour la fête de saint Jean-Baptiste. Il avait convié pour cette date à un grand festin le prieur du couvent de Saint-Georges avec un vieux franciscain dont il était l’ami intime, sans parler de beaucoup d’autres depuis longtemps engagés pour la fête. Vous a-t-il rencontré à Barcinone ? Qu’avez-vous fait ensemble ? Qu’avez-vous résolu ? Voilà ce que j’ai toujours ignoré jusqu’ici. Mais, par Hercule c’était bien heureux pour vous que vous fussiez loin du danger. Et cependant, tout heureux d’espérances dont j’attendais la réalisation, ne me doutant pas le moins du monde du malheur qui me menaçait, je vivais insouciant de l’avenir, au milieu de mes plus terribles ennemis. Je comptais sur le prochain retour de Janot. Le jour du banquet était arrivé et le soleil allait se coucher que Janot n’était pas encore de retour.

Ai-je besoin de vous dire de quelles craintes j’étais assailli, de quels funestes pressentiments mon âme était pleine ! L’approche de la nuit augmentait encore nos terreurs. Bref, j’essaie de m’endormir. À peine avais-je fermé les yeux qu’un signal retentit au dehors. Le pont-levis est baissé, et l’économe de l’abbaye est introduit près de moi. Il veut aussi parler à Pérotte, appelle deux autres amis de Janot et nous révèle alors le danger qui nous menace. Les paysans sont partout soulevés Janot a été arrêté, enchaîné et conduit dans les montagnes ; deux de ses hommes ont été massacrés, le reste est prisonnier avec lui. Quant à vous, ajoute l’abbé, il faut sans tarder pourvoir à votre sûreté. Pas une minute à perdre. Tout à l’heure, si nous tardons, il va nous falloir en venir aux mains. Il s’agit de la vie, il n’y a pas à hésiter. Nous l’écoutions, cloués sur place par l’épouvante, terrifiés. Mon cœur ne battait plus ; mes genoux tremblaient sous moi ; mes membres étaient convulsivement secoués ; mes cheveux se dressaient sur ma tête et ma voix se mourait au fond de ma gorge. Que faire ? Où aller ? La frayeur nous ôtait la conscience de notre situation. Nous savions que la mort était là, près de nous, qu’un danger imminent était à notre porte ; mais nous restions là, stupéfiés, immobiles. Moi-même, qui ai traversé tant de difficultés, qui me suis débrouille au milieu de tant d’intrigues et de désordres, moi qui ai mené tant d’affaires, je n’avais plus à moi une idée nette. Nous supplions l’Économe, qui nous avait prévenu du péril, de nous aider à l’écarter.

L’Économe nous conseilla ou de nous enfuir secrètement par des chemins détournés ou de fortifier notre position et de résister courageusement à ces rustres séditieux jusqu’à ce que, découragés par notre résistance. les assiégeants se soient retirés, ou que le roi vienne à notre aide en comprimant la révolte. Fuir, mais les sentinelles des paysans gardaient toutes les issues résister, c’était la mort le nombre nous écraserait certainement et, d’ailleurs, nous n’avions ni munitions ni provisions. Il y avait à trois mille pas de là environ une vieille tour à demi ruinée, située dans