Page:Ossian - Œuvres complètes, 1842, trad. Lacaussade.djvu/188

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toutes tes filles, Inis-fail, étendraient leurs bras de neige, montreraient le gonllement de leurs seins, et rouleraient avec douceur leurs yeux d’amour ; inébranlable comme les mille rochers de Lochlin, Swaran resterait ici, jusqu’à ce que le matin, avec les jeunes rayons de l’est, vienne m’éclairer pour la mort de Cuthullin. Agréable à mon oreille est la brise de Lochlin. Elle vole sur mes mers ! Elle me parle là haut dans mes cordages et rappelle à mon esprit mes vertes forêts ; les vertes forêts du Cormal, dont les échos répondaient souvent à mes brises, quand ma lance s’était rougie a la chasse du sanglier. Que le sombre Guthullin me cède l’ancien trône de Cormac, ou les torrents d’Érin montreront sur leurs collines la rouge écume du sang de son orgueil ! »

Sinistre est la voix de Swaran, dit Carril des temps passés ! — Sinistre pour lui seul, répondit le fils aux yeux bleus de Sémo. — Mais élève ta voix, Carril ; dis les hauts faits des autres temps ! Que la nuit s’écoule avec tes chants, et réveille en nous les joies de la tristesse. Car nombreux sont les héros et les vierges d’amour qui ont passé sur Inisfail ; et doux sont les chants de douleur qu’on entend sur les rochers d’Albion, quand le bruit de la chasse a cessé et que les ruisseaux de Cona[1] répondent à la voix d’Ossian. »

« Dans les autres jours, reprit Carril, vinrent à Érin les fils de l’Océan. Mille vaisseaux bondissaient sur les vagues vers les plaines riantes d’Ullin. Les fils dlnis-fail se levèrent pour combattre la race des noirs boucliers. Cairbar, le premier des hommes, s’y trouvait avec Grudar, le majestueux jeune homme ! Longtemps ils avaient lutté pour le taureau tache-

  1. Cona, dont il est fait mention ici, est cette petite rivière qui coule à travers Glenco, en Argyleshire.