Page:Ossian - Œuvres complètes, 1842, trad. Lacaussade.djvu/297

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cils, est le regard de Malthos. Foldath se tient semblable au rocher qui d’écume couvre ses flancs obscurs ; sa lance est comme le sapin de Slimora qui lutte avec les vents du ciel ; son bouclier porte l’empreinte des coups de la bataille, et son œil enflammé méprise le danger. Ces chefs et mille autres avec eux entouraient le roi d’Érin, quand arriva la sentinelle de l’Océan, Mor-annal, venu de Moi-lena[1] des torrents : ses yeux semblent sortir de sa tête ; ses lèvres sont tremblantes et pâles.

« Eh quoi ! s’écria-t-il, les chefs d’Érin sont immobiles et silencieux comme une forêt à l’approche de la nuit ! ils sont comme une forêt silencieuse et Fingal est sur la côte ! Fingal, le roi de Morven, si terrible dans les combats ! »

« As-tu vu le guerrier ? lui dit Cairbar avec un soupir. Ses héros sont-ils en grand nombre sur la côte ? lève-t-il la lance des combats ou vient-il en paix ? » — « Il ne vient point en paix, roi d’Érin ! J’ai vu sa lance levée[2] : c’est un météore de mort ; le sang de mille ennemis en rougit l’acier. Il est descendu le premier sur le rivage, vigoureux encore sous les cheveux blancs de la vieillesse. Ses membres nerveux se levaient sans efforts lorsqu’il marchait dans sa puissance. Elle est à son côté, cette épée qui ne fait point de seconde blessure ; son bou-

  1. Moi-lena : ’moi’ plaine. J’ai traduit : plaine de Lena ou j’ai laissé Moi-lena, comme en anglais suivant ma phrase.
  2. Mor-annal fait ici allusion à la position particulière de la lance de Fingal. Si un homme, en débarquant dans un pays étranger, tenait levée la pointe de sa lance, c’était alors une preuve qu’il venait dans des intentions hostiles et en conséquence il était traité en ennemi. S’il tenait baissée la pointe de sa lance, c’était un signe d’amitié, et il était immédiatement invité aux festins suivant l’hospitalité en usage dans ces temps.