Page:Ostwald - L’Évolution d’une science, la chimie, 1909.djvu/15

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

trer que l’eau ne peut avoir le rôle prépondérant que lui attribuait Thalès. Le feu, l’esprit, l’être ou le devenir, etc., furent regardés, l’un après l’autre, comme le principe fondamental de tout ce qui existe, et chaque philosophe s’efforçait de prouver que la modification spéciale qu’il apportait à l’idée fondamentale de Thalès était la seule possible.

On reconnut pourtant qu’il était impossible d’expliquer, à l’aide d’un seul principe, la multiplicité des choses réelles, et ces systèmes unitaires furent remplacés par les systèmes dualistes, d’après lesquels le monde se serait formé par l’action réciproque de deux principes opposés, comme le bien et le mal, l’amour et la haine. Ces systèmes eux aussi se montrèrent insuffisants, et Aristote, inaugurant le retour à l’expérience, y joignit une plus grande variété de principes sous la forme d’un double dualisme. Ses vues ayant joué un rôle très considérable dans la formation du concept d’élément, nous les étudierons d’un peu plus près.

Aristote, qui possédait une connaissance intuitive très étendue de la nature, voulut d’abord exprimer que ce sont les propriétés les plus générales des choses qui doivent être regardées comme leurs principes ou éléments ; il remarquait, en effet, que c’est à leurs propriétés que nous reconnaissons les choses, et que c’est par elles que nous les différencions les unes des autres. Il chercha ainsi les