Page:Ostwald - L’Évolution d’une science, la chimie, 1909.djvu/24

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régissent la matière, qui est, en somme, un complexe de poids et de masse, les hypothèses relatives à sa constitution. Tout le développement ultérieur de la chimie a évolué sous le signe de ces intuitions, et, pour la plupart, les savants n’ont jamais voulu renoncer à l’aide que leur offrent ces hypothèses si manifestement incertaines. Toujours leurs partisans ont allégué qu’elles présentaient l’immense avantage d’être intuitives, ce qui veut dire que, basées sur des expériences géométriques et mécaniques journalières, elles sont plus faciles à manier que des conceptions exemptes d’hypothèses, mais plus abstraites, des mêmes lois. Cela rappelle l’évolution que chacun de nous a subie pour le calcul numérique ; l’enfant croit, au début, qu’il ne pourra jamais se dispenser de compter sur ses doigts, et les marchands russes, qui ne savent pas écrire, se servent de leurs planchettes à calcul comme d’un moyen intuitif, grâce auquel ils peuvent faire avec beaucoup de sûreté et de rapidité des comptes relativement compliqués ; mais, quand on s’est habitué à compter de façon plus abstraite et plus générale, on devient un calculateur plus libre et plus capable d’aborder les problèmes difficiles et surtout les problèmes nouveaux.

L’hypothèse atomique présente une difficulté essentielle qui n’avait pas échappé à Boyle. Si les atomes restaient inaltérés dans leurs combinaisons, il serait naturel que les propriétés des combinai-