Page:Otlet - Problèmes internationaux et la guerre.djvu/108

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à-dire à ses travaux sociaux. Les deux termes civilisation et éducation sont donc corrélatifs. Civilisation comprend tout l’acquis et tous les progrès humains, éducation signifie le moyen de se l’approprier et de s’y adapter[1].

4. L’homme a des instincts naturels féroces ; mais il est aussi capable de dévouement, d’héroïsme et d’abnégation. L’antithèse relative de l’égoïsme et de l’altruisme humain varie suivant les individus, bien moins par suite du vernis de leur éducation qu’en vertu de leurs dispositions héréditaires. On voit de grands altruistes, encore plus de grands égoïstes et, entre les deux, toute une échelle de transition. Bien plus : selon ses propensions natives et variables à diverses passions, la même personne sera plus ou moins égoïste ou altruiste, celui-ci dans un sens, celui-là dans un autre[2].

5. L’homme au cours des siècles a dû sa supériorité sur tous les êtres vivants à sa valeur productive, au rendement de son travail. L’homme en dernière analyse constitue une machine plus ou moins perfectionnée, produisant un travail dont le rendement varie avec le perfectionnement même des rouages qui le composent. Les productions résultant du travail de l’homme sont les facteurs essentiels de l’évolution de l’espèce humaine. L’histoire de cette influence réciproque de la machine sur la valeur du produit et de celle-ci sur le perfectionnement de la machine, c’est en somme l’histoire de l’humanité elle-même[3].

6. Peut-on concevoir un type d’homme, un type d’humanité moyenne, pour lequel doit se vérifier la vérité des principes énoncés et cette conception peut-elle ensuite être utilisée dans tous les raisonnements que nous faisons sur la société et les ensembles où l’homme figure comme élément ? L’expression de ce type moyen, nécessaire quand il est traité de questions nationales, est plus nécessaire encore quand il s’agit d’organisation ou de conflits internationaux. Toute généralisation est le produit de notre esprit.

Taine disait : « Je connais des Chinois, des Espagnols, des Indous, des Nègres, je ne connais pas l’Homme ». Et Taine fut un de ceux qui contribuèrent le plus à démontrer ce qu’avait de factice et d’artificiel la conception d’un type d’homme comme l’avait compris surtout le XVIIIe siècle, le type dont Jean-Jacques Rousseau, après Aristote, après les théologiens avait fait l’« homme raisonnable ». Dans le deuxième tiers du XIXe siècle, Quételet, le fondateur de la « Physique sociale » basée notamment sur les données statistiques, imagina « l’homme

  1. A. Forel, Human perfectibility in the light of evolution, The international-Monthly, Aug. 1901.
  2. A. Forel, États-Unis de la Terre, page 5.
  3. L. Querton, Augmentation du rendement de la machine humaine, Bruxelles, Institut de sociologie.